Ce texte à été écrit par mon ami et frère d'arme Michel Patry et publié
sur Facebook le vendredi 4 octobre 2019, et est la suite du précédent texte
"La déréglementation...."
Les Gypsies du transport.
Pour faire suite au texte à propos de
déréglementation dans le transport, voici une autre vulgarisation de comment
s'est passé ''la suite'' de cette fameuse période.
Il faut dire qu'une explosion de notre industrie s'est littéralement produite et la ''game'' a changé du tout au tout.
Nous allons retourner vers la fin des années 60
début 1970 et on va parler d'un groupe d'acteurs de notre industrie qui ont
influencé le transport.
Alors un peu d'histoire est de mise.
À la fin des années 60, sont apparus ce que les Américains appelaient des ''gypsies'' des gitans ou des pirates.
Alors un peu d'histoire est de mise.
À la fin des années 60, sont apparus ce que les Américains appelaient des ''gypsies'' des gitans ou des pirates.
Les emplois en camionnage étaient payants, un
camionneur pouvait facilement gagner jusqu'à 50% de plus que la moyenne des
salaires de la population.
Par contre, pour plusieurs, le travail de camionneur pour un gros transporteur syndiqué n'était pas pour eux.
Donc beaucoup de ces gens achetaient leur propre
équipement et offraient leurs services aux expéditeurs ou même aux
transporteurs, question de combler les besoins d'un surplus de travail
temporaire pour un manufacturier local, ou à des clients qu'ils sollicitaient à
la volée dépendamment ou ils se situaient.
Souvent ces gens parcouraient le pays d'un état à
l'autre dépendamment où le prochain voyage les amenaient, passaient sous le
radar d'à peu près tout le monde et pour eux, tricher était un mode de vie, une
culture bien ancrée.
Ils étaient en quelque sorte des nomades, d'ou venait le surnom de ''gypsies''
Ce qui au début semblait n’être qu'un groupe de camionneurs assez restreint, presque radical, s'est développé et a finalement attiré l'attention de Hollywood.
Le phénomène s'est amplifié avec la venue de films à succès qui glorifiaient ce genre d'entrepreneurs.
White Line Fever (1975) le camionneur indépendant qui se fait justice face à ses clients malhonnêtes.
Smokey and the Bandit (1977) camionneur indépendant qui relève un défi impossible, soit de livrer une cargaison de bière d'un bout à l'autre du pays dans un laps de temps impossible.
Convoy (1978) probablement le plus célèbre des ''gypsies'' et certainement celui qui a eu le plus d'influence sur une génération entière de futurs camionneurs.
Rubber Duck qui lui, ne veut que faire son job,
mais fait face à l'injustice des lois en place.
Dans sa protestation, il deviendra une inspiration
pour une centaine d'autres gypsies qui vont le suivre en convoi dans sa
revendication contre un système corrompu et injuste.
Vous voyez le plan?
Vous voyez le plan?
Le camionneur rebelle était né!
Au Québec, plus ou moins fin des années 70, nous
avions aussi nos gypsies, ou pirates comme on les appelait.
Petits transporteurs qui comprenaient que la déréglementation n'était qu'une question de temps.
Ils opéraient avec des permis de base ou inexistants et essayaient surtout de rester sous le radar des autorités.
Plusieurs camionneurs de mon âge vont se souvenir
des péripéties, détours pour éviter les balances des états ou provinces où ils
n'avaient pas de permis ou ne pouvaient payer leur juste part de taxes sur le
carburant.
Travailler avec 2 livres de bord, fabriquer de faux
connaissements qui démontraient que le propriétaire du camion était
propriétaire de la marchandise, etc.
Compliqué, pas légal, mais cela faisait parti de
notre quotidien.
Cette génération de transporteurs a poussé comme de la mauvaise herbe et plus il y en avait qui apparaissaient, plus les taux de transport baissaient, ce qui bien sûr faisait l'affaire aux clients expéditeurs.
À la longue, ces merveilleux pirates, toujours en quête de solutions à leurs problèmes de permis, ont eu la fantastique idée d'offrir aux expéditeurs une autre alternative.
À première vue, c'était un peu tordu, mais légal. Ce phénomène est né en Ontario, plus précisément autour de la région du ''golden horseshoe'' de Niagara et s'est rapidement propagé au Québec.
Au lieu d'avoir un permis de transport et tout ce que cela pouvait comporter, pourquoi ne pas œuvrer sous le couvert d'une compagnie de location de camion?
Rien n’empêchait aux expéditeurs de louer des camions à très court terme (contrat pour un aller seulement) pour faire le transport de leur propre marchandise.
Se retourner et refaire un nouveau contrat pour le
client de retour.
Le tout était facile, car il y avait assez de
marchandise à transporter dans le couloir entre Windsor,On et les Maritimes par exemple.
Pas l'ouvrage qui était pour manquer.
Le camionneur devait faire un contrat de location de camion à chaque mouvement de marchandise.
De cette façon, la marchandise qui était en transit, appartenait au ''locataire'' du camion et évitait ainsi d'avoir recours à une compagnie en règle.
C'est à dire qui avait tous ses permis de
transport.
Par contre ça ne réglait pas le problème du personnel.
Par contre ça ne réglait pas le problème du personnel.
Qui allait conduire ces camions?
Les expéditeurs n'avaient que du personnel de
production ou d’entrepôts.
Ceux qui avaient un département de transport, les coûts n'étaient pas vraiment ''compétitifs'' comparativement à ce qu'un transporteur externe pouvait leur offrir, de plus, les coûts d'entretien du matériel roulant étaient dispendieux.
Bref, le transport était un mal nécessaire à leur entreprise, mais n'était pas leur source de revenus principal et ils avaient des difficultés à bien contrôler cette dépense.
Autre brillante idée de la part de nos génies, ''on va se servir d'agence de personnel temporaire!''
Les transporteurs, ou plutôt les nouveaux ''locateurs d'équipement'' avec l'utilisation des agences, pouvaient maintenant offrir aux expéditeurs d'importantes économies puisque leurs chauffeurs étaient pour être pas mal moins dispendieux.
Raison assez simple, ils payaient leurs camionneurs
beaucoup moins chers et du même coup, en se servant d'une agence externe, le
risque de syndicalisation devenait inexistant.
En bonus, toute responsabilité financière, fiscale ou morale envers un employé était alors transférée à l'agence de personnel.
À partir de ce moment, des dizaines sinon des centaines de ''compagnies de location de camions'' et ''d'agences de chauffeurs'' sont apparues un peu partout en Ontario, au Québec et dans les Maritimes.
BOUM! Une autre épidémie de parasites dans notre monde était née!
Le fameux ''gypsie, ou pirates '' pouvait enfin œuvrer dans le transport légalement et à la grande satisfaction des expéditeurs, les taux de transport ont alors continué fondre rapidement.
Plus tôt je vous parlais de mauvaise herbe, à ce
moment-ci je vous parle plutôt d'une vitesse de propagation d'un feu de forêt,
ou d'une avalanche et même d'un tsunami!
Rien de moins!
Vous pouvez vous imaginer que la dégringolade de la rémunération des chauffeurs est aussi apparue puisque le salaire était facilement et fréquemment utilisé comme moyen de négociation lorsqu'ils présentaient une soumission à un client potentiel.
Maintenant, pour ce qui est des agences de personnel, tout comme les courtiers en transport, à peu près n'importe qui à partir de son domicile avec un investissement initial minime et encore une fois très peu de responsabilités.
Ils pouvaient engager des camionneurs et les
''vendre'' ou plutôt, les ''louer'' au plus offrant.
Plusieurs camionneurs ont vu leur poste de
camionneur être aboli, surtout s’ils étaient syndiqués.
La compagnie fermait leur département
''transport'', se débarrassait du syndicat et les opérations transport étaient
transférées aux agences de location de camions et de chauffeurs.
Il était fréquent de voir que les compagnies de location étaient jumelées à une agence de chauffeur qui appartenait aux mêmes personnes et certains, poussaient même l'audace de posséder plusieurs de ces agences.
Un pour le Québec, une pour l’Ontario et une pour
les Maritimes.
Stratégie pour éviter toute tentative de
syndicalisation et le pouvoir de payer selon la région où ils opéraient.
Il y a beaucoup de chauffeurs dans une région?
Il y a du monde en masse?
On baisse le salaire!
Il manque de chauffeurs dans une autre région?
On remonte la rémunération...
Ok, ok souvent, la location (ou la pseudo compagnie de transport) appartenait à monsieur, et l'agence de personnel à madame.
On a même vu certains chauffeurs approcher leurs
patrons en leur vendant l'idée de prendre ''sous leurs ailes'' l'équipe de
chauffeurs et qu'il s'occuperait de les payer (et décrocher le contrat).
Au fil des années, ces agences avaient la fâcheuse
habitude de fermer leurs portes pour ensuite ré-ouvrir sous un autre nom.
Autre situation fréquente, quand le contrat à long
terme ou il était attitré se terminait, si l'agence avait perdu son appel
d'offre, ou tout simplement voulait ''réorganiser'' les statuts sociaux ou
comptables de la compagnie.
A chaque fois que l'une de ces situations se
présentait, il devait donc refaire une demande d'emploi à la ''nouvelle
compagnie''.
Le fidèle camionneur perdait son ancienneté, et
changeait aussi de système de paie et tout était à recommencer.
Nouvelle date d'embauche, période de probation,
perte d'assurance médication, la plupart du temps il devait être à l'emploi au
moins 3 mois pour avoir droit d’être inscrit a la nouvelle assurance
collective. S'Il y en avait une!!!
Bien souvent tout cela se passait entre deux
voyages au milieu de la semaine de travail.
Notez ici que le camion ''loué'' par l'expéditeur
était une entité indépendante de l'agence de chauffeur.
Donc il était facile de déplacer le chauffeur vers
une autre agence sans perturber l’horaire de l’expéditeur.
Je vous laisse deviner que si le camionneur osait protester dans ces situations, il recevait comme explication que pour avoir ''le contrat''
... il fallait bien couper quelque part.
Je vous laisse deviner que si le camionneur osait protester dans ces situations, il recevait comme explication que pour avoir ''le contrat''
... il fallait bien couper quelque part.
Que c'était triste, mais ''ça fait partie de la
game''
Et que finalement, s'il n'était pas satisfait avec
sa nouvelle situation, il n'avait qu'à aller travailler ailleurs.
Les salaires des camionneurs ont été sauvagement détruits. (Je pèse mes mots ici)
Fini les augmentations pour suivre le taux
d'inflation, les fonds de pension auquel l'employeur contribuaient.
Les distances entre les villes qui déterminaient le
salaire, car le chauffeur est payé au mille étaient dépendamment quelle façon
était la plus rentable pour le payeur.
Il y a une énorme différence entre payé au tour de roues (ce qu'on appelait hub ou millage exact que le camion faisait pour faire le trajet), payé de centre-ville @ centre-ville, à la sortie d'une ville d’expédition @ l'entrée de la ville de destination, ou tout simplement payé à vol d'oiseau.
Il y a une énorme différence entre payé au tour de roues (ce qu'on appelait hub ou millage exact que le camion faisait pour faire le trajet), payé de centre-ville @ centre-ville, à la sortie d'une ville d’expédition @ l'entrée de la ville de destination, ou tout simplement payé à vol d'oiseau.
Les compagnies de location et les agences faisaient
de la collusion entre eux, examinaient quelle méthode était la plus rentable
pour eux, et voila, une autre coupure de salaire.
Les forfaits de livraisons et cueillettes qui
étaient payées auparavant étaient éliminées du ‘’nouveau contrat’’ etc.
Et croyez moi, ce n’était pas la créativité qui
manquait et en très peu de temps, le nouveau truc pour couper les salaires
avait fait le tour des autres agences.
Les agences sont tout comme les courtiers en transport sont un autre genre de parasite qui a empoisonné notre industrie.
Les agences sont tout comme les courtiers en transport sont un autre genre de parasite qui a empoisonné notre industrie.
Dans l'est du Canada, durant la période des années
1975 à la fin 1980, la très grande majorité des emplois en camionnage
provenaient des agences de personnel.
Si tu refusais de travailler pour une agence, les
chances de conduire un camion routier étaient très minces.
Il ne s’agit pas seulement des gypsies originaux
qui sont devenus proprios d’agences, ou de locations de camions.
Flairant une bonne affaire, plusieurs hommes et
femmes d’affaire provenant d’autres secteurs d’activités se sont greffés au
transport.
Ce qui n’aidait certainement pas la cause.
L'arrogance des patrons était évidente et pour
cette raison, beaucoup de camionneurs d’expérience ont carrément quitté le
métier avec un gout amer.
L'industrie croyait que la relève des camionneurs était une source de main d’œuvre inépuisable.
L'industrie croyait que la relève des camionneurs était une source de main d’œuvre inépuisable.
Et encore aujourd'hui, avec la pseudo pénurie qu'ils ont provoqué, ils continuent à sévir dans une nouvelle industrie, celle du recrutement.
Comme tout parasite, ils se sont ajustés!
Prochain texte, sera encore sur la période post dérégulation, plus ou moins la même période ou je vais tenter de vulgariser comment et pourquoi nous en somme-la aujourd'hui.
Prochain texte, sera encore sur la période post dérégulation, plus ou moins la même période ou je vais tenter de vulgariser comment et pourquoi nous en somme-la aujourd'hui.
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