samedi 5 octobre 2019

La fameuse déréglementation, c'est quoi ça au juste?



Ce texte est signé par mon ami et frère d'arme Michel Patry et a été publié sur Facebook mercredi le 2 octobre 2019.


La fameuse déréglementation, c’est quoi ça au juste?

Nous avons tous entendu par ceux qui sont absolument contre les syndicats, la rumeur que cette déréglementation avait été mise en place par les gouvernements pour contrer voir même éliminer les syndicats du transport routier.

Ces rumeurs sont encore utilisées par plusieurs charlatans de notre petit monde.

La plupart du temps ces balivernes viennent de pseudo gourous, qui souvent s’auto proclament comme étant ‘’la voix officielle du transport’’ et qui utilisent les réseaux sociaux pour, semble-t-il ''informer'' les nouveaux arrivants dans le métier, et tant qu’à y être, n’importe qui en autant qu’il y a un ‘’like’’ à sa publication.

Ces rumeurs qu'ils alimentent sont surtout propagées pour une raison bien simple, nous n'avons qu'à regarder leur pages, sites, capsules vidéos ou peu importe le médium qu'ils utilisent pour se rendre compte qu'ils sont à la solde des entreprises, donc ces rumeurs, affirmations ne leur servent qu'à tenir les syndicats bien loin du transport.

Avec le temps, on se rend compte qu’ils n’aident pas les camionneurs, mais plutôt s’en servent, pour leurs besoins financiers.

Mais revenons à nos moutons!

La réalité est tout autre et les syndicats, même s'ils étaient de joueurs majeurs dans l'industrie avant la déréglementation, ils n'avaient pas grand-chose à voir avec l'avènement de cette loi qui a en quelque sorte ''libéré'' le transport de l'emprise qu'avaient les principaux transporteurs.

Alors encore une fois, je crois qu'une vulgarisation de ce que tout ça voulait dire et les réelles implications et conséquences que cette action a provoquée dans notre monde serait nécessaires.

Alors un peu d'histoire, s'impose, et on recule en 1887.

Le transport était réglementé par l'Interstate Commerce Commission (ICC) depuis 1887, elle était en place surtout pour le transport par rail.

Plus tard, en 1935 le '' Motor Carrier Act'', loi qui réglementait tant qu’a elle le transport par camion, a incluse le camionnage à l'ICC.

Le camionnage devenait alors très réglementé, même un peu trop et de 1940 à 1980 il était presque impossible d'obtenir un nouveau permis de transport sans demander la permission à ceux qui en avaient déjà.

Tout mouvement de marchandise était totalement contrôlé par eux.

Il y avait donc un ''cartel'' composé de transporteurs majeurs qui contrôlait le transport routier en Amérique

En 1962 Président le président John Kennedy est devenu le premier président à demander au congrès américain, un assouplissement des règles du transport pour favoriser les déplacements de biens de consommation.

Novembre 1975 le Président Gérald Ford demande à son tour, une nouvelle législation pour réduire les contrôles dans le transport aussi.

Cette fois, il nomme au sein de l'ICC (agence qui gouverne le transport) de nouveaux membres qui sont en faveur, comme lui, d'un assouplissement des règles.

Ce qui à la longue, va lui aider à finalement obtenir ce qu’il voulait, soit un assouplissement des règles et tenter de réduire l’emprise qu’avait les transporteurs.

Vers 1976, ces nouveaux membres demandent de plus en plus agressivement l'assouplissement alors que depuis le tout début de l'avènement de l'ICC, soit près de 80 ans, personne ne s'était prononcé à ce propos.

Teamsters, qui était le principal syndicat pour les camionneurs, était farouchement opposé puisqu'ils savaient que les chauffeurs devenaient vulnérables à des coupures de salaires.

En position de monopole, tous étaient d’accord que le cartel imposait des tarifs trop gourmands, et il fallait les ralentir, mais pas au détriment des travailleurs.

Donc, en 1980, le Président Carter signe l'arrêt de mort du Motor Carrier Act, et éventuellement l'ICC et la dérégulation devait se faire graduellement.

Il faut noter que la déréglementation a été implantée beaucoup plus agressivement dans une direction beaucoup plus ''compétitive'' que l'avait prévue la législation.

Ce qui se devait être un processus graduel, a été en quelque sorte pris d'assaut par à peu près tout le monde impliqué dans le transport qui est de par sa nature, une industrie très compétitive.

En d'autres mots, vu que les contrôles de taux avaient été dramatiquement réduits, les nouveaux acteurs ont immédiatement commencé à sabrer dans les taux de transport et de s'installer dans leurs nouvelles routes.

De plus, une ''interprétation’’ de la nouvelle loi permettait d'établir des taux de façon contractuelle.

Ce qui leur permettait de pouvoir offrir aux clients de nouveaux contrats à chaque mouvement sans pouvoir de révision de ces contrats de la part des instances gouvernementales qui régulaient ces taux.

Ce qui a ouvert toutes grandes les portes aux courtiers en transport (les fameux load brokers)

Ces gens avaient soudainement l'opportunité de pouvoir joindre camionneurs qui offraient des services de transport, et les expéditeurs qui avaient de la marchandise à bouger.

Ces ''courtiers en transport'', nouveaux joueurs, avaient maintenant le pouvoir de négocier ''à la pièce'' chaque mouvement, chaque destination avec chaque transporteur.

Vous pouvez vous imaginer que les taux ont drastiquement pris une chute spectaculaire ce qui faisait bien sûr l'affaire aux expéditeurs.

Je dois préciser que ces gens, qui, un peu comme les agences de personnel, pouvaient opérer à partir de leur sous-sol avec un très petit investissement initial et des responsabilités à peu près inexistantes.

Ils sont rapidement devenus des incontournables intermédiaires qui, bien sûr, se prenaient un pourcentage parfois important des revenus qui auraient du normalement revenir aux camionneurs.

Et en plus, ils avaient l’opportunité de vendre ‘’ les voyages’’ auquel ils ne trouvaient pas preneurs à d’autres courtiers.

Calculez un pourcentage pour chaque courtier et finalement, le camionneur qui livrait la marchandise, recevait comme paiement, vous l’aurez deviné... ce qui restait.

Il n’était pas rare qu’en bout de ligne, ces échanges de ‘’voyages’’ étaient profitables pour tous, sauf le camionneur qui avait fait le travail.

Encore avec du recul, nous pourrions dire qu'il s’agissait des premiers ''parasites'' du transport.

Avant l'avènement de la loi sur la déréglementation, l'industrie comme toute autre entreprise, transférait tout simplement les coûts d'opération, incluant les salaires des camionneurs aux expéditeurs.

Dans le fond, cette loi avait comme conséquences de causer une réduction de coûts drastique pour le consommateur, une meilleure compétition de prix et de taux, et une marge de profit augmentée.

Les principaux critiques de cette loi par contre avaient bien sûr argumenté, avec raison, que cette réduction de coûts d'opération était pour avoir une incidence directe sur les salaires des camionneurs.

Suite au passage de cette loi, un nombre impressionnant de nouvelles compagnies de transport sont apparu, spécialement des compagnies ayant des coûts d'opération très bas et NON syndiqués.

Le nombre de compagnies de transport a doublé entre 1980 et 1990 excédants les 40000 nouveaux joueurs dans l'industrie.
Il faut aussi tenir compte que le transport intermodal (conteneurs) a aussi augmenté de plus de 70% entre 1981 et 1986.

Les gros transporteurs ont vu, tel que prévu, apparaître une compétition féroce, voir même sauvage à laquelle ils n'étaient pas habitués.

Ces compagnies étaient pour la plupart syndiquées et ne pouvant couper sur les salaires comme la nouvelle compétition pouvait si bien le faire, ils ont du plier et dans un relativement court délai, ils se sont finalement écroulés.

Des études ont constatés que la déréglementation, tel que prévu, a permis aux manufacturiers de réduire leurs inventaires, de pouvoir bouger la marchandise plus rapidement et être plus réceptif et rapide aux demandes des consommateurs.

Les consommateurs, indirectement, bénéficiaient d'un service plus rapide et moins dispendieux.
Par contre, au début de 1980, avec l'avènement de cette déréglementation, en plus des pertes d'emplois occasionnés par la fermeture des transporteurs majeurs, l'industrie a aussi vu disparaître plus de 10000 compagnies qui contribuaient au fonds de pension de leurs employés, principalement des camionneurs.

Ce qui a provoqué un énorme problème de financement de ces fonds de pension qui, pour la plupart encore, bénéficiaient aux camionneurs.

Et comme Teamsters l’avait prévu, les réductions de taux de transports que les manufacturiers ont bénéficié ont été assumés par les camionneurs.

Et encore aujourd’hui, avec la désinformation qui existe et qui est propagée par les charlatans dans le petit monde du transport, les camionneurs sont encore une fois ceux qui paient le prix!
À suivre.....


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